La gestion
des déchets solides englobe l'ensemble des processus nécessaires pour traiter
efficacement les résidus générés par diverses sources, notamment les ménages,
les industries et les hôpitaux. Considérée comme un enjeu stratégique pour le
développement durable, en particulier pour les petits États insulaires en
développement (PROE, 2006), elle représente une problématique majeure en Haïti,
mettant en lumière la complexité des défis environnementaux et sanitaires
auxquels le pays est confronté. Quels sont les enjeux principaux reliés à la
gestion des déchets en Haïti? Comment Haïti peut-elle réussir à mieux gérer les
déchets?
La gestion
des déchets solides englobe l'ensemble des processus nécessaires pour traiter
efficacement les résidus générés par diverses sources, notamment les ménages,
les industries et les hôpitaux. Considérée comme un enjeu stratégique pour le
développement durable, en particulier pour les petits États insulaires en
développement (PROE, 2006), elle représente une problématique majeure en Haïti,
mettant en lumière la complexité des défis environnementaux et sanitaires
auxquels le pays est confronté. Quels sont les enjeux principaux reliés à la
gestion des déchets en Haïti? Comment Haïti peut-elle réussir à mieux gérer les
déchets?
Le
One-pager adresse ces questions en identifiant les problèmes cruciaux de la
gestion de déchets en Haïti, les solutions existantes faisables à de tels
problèmes, les résultats de la mise en œuvre de telles solutions et en
proposant une adaptation et une application de telles solutions en Haïti.
La gestion des déchets solides en Haïti est confrontée à de
nombreux obstacles qui compromettent son efficacité et engendrent des
conséquences néfastes sur la santé publique et l'environnement. Le système de
gestion des déchets dans le pays est caractérisé par l’absence de traitement et
d’une collecte désorganisée des déchets, aggravés par un cadre légal faible
entrainant le rejet des déchets dans les cours d’eau ou leur incinération, exacerbant
ainsi les crises environnementales et sanitaires. Malgré
la responsabilité confiée aux municipalités par la Charte des Collectivités
Territoriales, le manque de ressources entrave leur capacité à assurer une
gestion efficace. Selon la Banque mondiale, seulement
12% des 6600 tonnes de déchets produits quotidiennement en Haïti sont collectés
(Mathieu, Lubin, & Pierre, 2022). Ces
problèmes, multifactoriels, incluent notamment un manque d'engagement
gouvernemental, un déficit d'infrastructures, une précarité économique
généralisée, un manque de sensibilisation et d'engagement communautaire, ainsi
que l'absence d'un cadre juridique et réglementaire adéquat.
La
gestion des déchets solides en Haïti se heurte à des obstacles significatifs
qui entravent son efficacité et compromettent la santé publique et
l’environnement, principalement en raison du manque d’engagement et de soutien
financier de la part du gouvernement. En effet, ce manque de priorité se
reflète dans le budget alloué à la gestion des déchets, qui demeure très
faible. Par exemple, en 2015, les autorités n'ont alloué qu'un million de
et de l'hygiène (EAH), un montant dérisoire par rapport aux besoins (Mathieu,
Lubin, & Pierre, 2022). Ce faible budget, représentant seulement 0.01% du
PIB, explique l'absence de financement adéquat pour les organismes en charge de
la gestion des déchets solides (Hidalgo & Théodate, 2011).
De
plus, le transfert de responsabilité de la gestion des déchets aux
municipalités, tel qu’établi par la Charte des Collectivités territoriales, n’a
pas été accompagné du transfert des ressources nécessaires. Par conséquent, les
municipalités manquent de personnel compétent et de ressources matérielles pour
assurer une collecte, un transport et un stockage adéquats des résidus solides
(Brangeon, 2015; Bras et al., 2009; Hidalgo & Théodate, 2011). Cette
situation est aggravée par une planification urbaine déficiente et des
dysfonctionnements institutionnels. En conséquence, les déchets s'accumulent
dans les espaces urbains, provoquant de graves problèmes environnementaux et
sanitaires.
Le manque d'infrastructures appropriées pour la
collecte, le traitement et la valorisation des déchets, combiné à un budget
national insuffisant, une planification urbaine déficiente et des conflits
juridico-administratifs entre les institutions responsables, entrave
considérablement la gestion efficace des déchets. Cette situation alarmante
conduit à une accumulation massive de déchets dans les espaces urbains,
générant des conséquences néfastes tant sur le plan environnemental que
sanitaire (Mathieu, Lubin, & Pierre, 2022).
En outre, le manque de véhicules et d'équipements
fonctionnels limite la collecte, tandis que l'absence de sites de disposition
finale adéquats conduit à l'improvisation de dépotoirs non contrôlés, souvent situés
près des cours d'eau ou des plages. De plus, le défaut de maintenance des
infrastructures existantes réduit leur efficacité et leur durée de vie.
D’une manière générale, dans tout le pays la gestion des déchets est rudimentaire, avec des décharges principales
comme Truitier et Bicentenaire près de Port-au-Prince, ainsi que des dépôts
sauvages à Cité Soleil, Carrefour-Feuilles et Martissant. D'autres villes comme
Cap-Haïtien, Gonaïves, Les Cayes et Jérémie font face à des défis similaires
avec des décharges saturées ou informelles près des habitations et des
rivières. Les équipements sont rares et insuffisants. La bidonvilisation
aggrave les risques sanitaires en concentrant les populations près de ces sites
insalubres, souvent là où les déchets étaient jetés avant l'urbanisation
informelle
Par ailleurs, le déficit en infrastructures et
équipements se manifeste par un manque criant d'équipements disponibles pour la
gestion des déchets solides. Le système de collecte souffre d'un grave manque
d'infrastructures et d’équipements adéquats. Les municipalités et le Service
National de Gestion des Résidus Solides (SNGRS) ne disposent pas suffisamment
de camions de collecte, de centres de traitement ou de décharges
surcroît, les quelques équipements disponibles sont souvent vétustes et mal
entretenus, ce qui entrave la collecte régulière des ordures (Brangeon, 2015;
PNUD, 2018).
Enfin, la gestion des déchets est entravée dès la
source par l'absence de dispositifs de précollecte tels que des poubelles ou
des sachets à déchets dans la plupart des ménages. Cette situation s'explique
en partie par la précarité économique des ménages haïtiens, qui n’ont souvent
pas les moyens d'acquérir ces dispositifs de gestion des déchets domestiques.
En conséquence, les déchets sont souvent jetés directement dans les rues, les
ravins ou d'autres espaces publics, ce qui augmente la charge de travail des
services de collecte et complique la gestion des déchets (Popescu, Durand,
& Ercole, 2014; Mathieu, Lubin, & Pierre, 2022).
La précarité économique généralisée en Haïti
constitue un obstacle majeur à la gestion des déchets solides. En règle
générale, les taxes municipales contribuent à financer les services de gestion
des déchets dans de nombreux pays. Cependant, en Haïti, la pauvreté limite
considérablement la capacité des ménages à assumer ces charges, entraînant un
taux de morosité élevé dans le paiement des taxes municipales. Cette situation
réduit les ressources financières disponibles pour améliorer et maintenir les
infrastructures et les services de gestion des déchets, créant un cercle
vicieux de sous-financement et d’inefficacité.
En outre, Haïti dépend largement de l’aide
financière externe pour compenser ce manque de financement interne et soutenir
ses opérations de gestion des déchets. Cette dépendance expose le secteur aux
variations des engagements financiers internationaux, rendant le financement
des services de gestion des déchets instable et imprévisible (Hidalgo &
Théodate, 2011). Ce contexte de précarité économique et de dépendance externe
entrave les efforts pour instaurer une gestion des déchets durable et autonome
dans le pays.
La pauvreté généralisée impacte directement la capacité des
ménages à payer pour les services de gestion des déchets, ce qui réduit la
capacité de l'État à collecter les fonds nécessaires pour améliorer et
maintenir ces services. Haïti dépend fortement de l'aide financière externe
pour soutenir ses opérations de gestion des déchets, ce qui rend le secteur
vulnérable aux fluctuations des engagements financiers internationaux (Hidalgo
& Théodate, 2011).
La mauvaise gestion des déchets en Haïti persiste
en raison de comportements inappropriés dans la gestion des ordures, souvent
abandonnées dans des terrains vagues, près des rivières ou dans d'autres
espaces publics en l’absence de service de collecte fiable (Brangeon, 2015;
Hidalgo & Théodate, 2011; Samper et al., 2006). Ce phénomène est amplifié
par le manque de sensibilisation : les citoyens, peu informés des impacts
sanitaires et environnementaux, ignorent les pratiques adéquates comme le tri
et le recyclage.
Les aspects culturels et sociologiques renforcent
également ces habitudes. Dans certaines communautés, les déchets sont perçus
comme une responsabilité des autorités plutôt que des individus, ce qui limite
l'appropriation des pratiques de gestion. L'absence de communication entre les
autorités et la population sur les jours de collecte et les règles de dépôt
complique davantage la situation (Samper et al., 2006).
Pour améliorer l’efficacité des solutions, il est
crucial d’intégrer ces dimensions socioculturelles. Des programmes de
sensibilisation, impliquant les leaders communautaires et utilisant des moyens
de communication accessibles, pourraient encourager un engagement communautaire
durable et renforcer la responsabilité collective dans la gestion des déchets.
Enfin, la gestion des déchets en Haïti est entravée par un
cadre juridique et réglementaire fragmenté et incohérent. Bien que la
Constitution confère la responsabilité de la gestion des déchets aux
municipalités, le manque de coordination et l'absence d'une loi spécifique sur
la gestion des déchets solides créent des conflits et des inefficacités. Le
SMCRS, principal organisme responsable de la gestion des déchets à
Port-au-Prince, a connu des changements de tutelle fréquents, ajoutant à la
confusion et au manque de coordination (Popescu, Durand, & Ercole, 2014;
Brangeon, 2015; Mathieu, Lubin, & Pierre, 2022).
Pour améliorer leur gestion des déchets, plusieurs pays ont
adopté des solutions innovantes adaptées à leurs contextes spécifiques. Le
Canada, confronté à des infrastructures obsolètes, a mis en place des
partenariats public-privé pour financer de nouvelles installations (Giroux,
2014). Le Japon a intégré l'éducation au recyclage dès l'école primaire, tandis
que l'Allemagne a lancé des campagnes de sensibilisation pour encourager le
tri. L'Inde et le Brésil ont alloué une part significative de leur PIB à la
gestion des déchets, bénéficiant de subventions et d'aides internationales.
Bien que cette stratégie puisse être efficace dans certains contextes, elle
n'est pas toujours viable dans des pays confrontés à des problèmes économiques,
où les gouvernements doivent prioriser leurs dépenses.
D'autres pays ont opté pour des mécanismes de financement
innovants, mieux adaptés à leurs contraintes économiques. L'Espagne et le
Portugal ont mis en place une tarification progressive, où les usagers paient
en fonction de la quantité de déchets qu'ils produisent (European Commission,
2022). Le Canada et la France ont adopté la responsabilité élargie des
producteurs, ce qui incite les fabricants à prendre en charge la gestion des
déchets de leurs produits en fin de vie. Le Kenya et le Bangladesh, confrontés
à des ressources limitées, ont privilégié des technologies économiques, comme
la production de biogaz à partir de déchets organiques, pour réduire les coûts
et améliorer l'efficacité de leur gestion des déchets (Mostakim et al., 2021;
Ram et al., n.d.; Xin et al., 2018).
Plus près de nous, face à une production annuelle de plus
de 7 millions de tonnes de déchets solides, la République dominicaine a
entrepris des actions pour améliorer sa gestion des déchets. Le pays a mis en
place une stratégie multidimensionnelle axée sur l'amélioration des
infrastructures, la sensibilisation du public et la recherche de financements
durables. On estime que 220 millions de dollars d'investissements initiaux sont
nécessaires pour améliorer le système de gestion des déchets. Jusqu’à présent,
la plupart des investissements proviennent de dons et de financements d’agences
internationales et multilatérales.
En Jamaïque, l'augmentation exponentielle des
le manque
financières, l'absence de politiques intégrées et l'inefficacité des
infrastructures ont longtemps caractérisé la situation. Cependant, des avancées
significatives ont été réalisées grâce à la création de l'Autorité nationale de
gestion des déchets solides (NSWMA), à la mise en place d'une politique
nationale et à l'amélioration de certaines infrastructures. Ces mesures ont
permis une meilleure régulation du secteur et une réduction des déchets organiques
grâce à des initiatives de compostage. Néanmoins, des défis persistent,
notamment l'insuffisance de sites d'enfouissement sanitaires et l'inefficacité
de la collecte dans certaines régions (Planning Institute of Jamaica, 2007).
La politique de gestion des déchets de 2015 à
Trinidad-et-Tobago met en lumière l'urgence de trouver des solutions durables
face à l'augmentation exponentielle des déchets solides, principalement due à
l'industrialisation et à l'urbanisation galopante. Les méthodes traditionnelles
d'enfouissement, outre qu'elles épuisent rapidement les capacités d'accueil,
engendrent de sérieux problèmes environnementaux et sanitaires. Face à ces
défis, le pays a mis en place une stratégie ambitieuse axée sur la promotion du
recyclage, de la réutilisation et du compostage, ainsi que sur le renforcement
des infrastructures de gestion des déchets. La création d'une autorité dédiée
et la mise en place de centres de récupération sont des avancées notables.
L'objectif affiché d'une réduction de 60% des déchets destinés à
l'enfouissement d'ici 2020, couplé à des actions de sensibilisation et de
formation, témoigne d'une volonté politique de transition vers une économie
circulaire. Cependant, la réussite de cette transition dépendra de la
mobilisation de tous les acteurs, de la mise en place de mécanismes incitatifs
efficaces et d'une surveillance rigoureuse de l'application de ces politiques
(Singh et al., 2021).
Parmi les pays mentionnés, Singapour se distingue par son
système de gestion des déchets, reconnu internationalement pour son efficacité
et sa durabilité. La stratégie singapourienne repose sur une approche intégrée
combinant trois piliers majeurs : l'incinération avec récupération d'énergie,
le recyclage approfondi et l'engagement communautaire (He et al., 2023).
L'incinération avec récupération d'énergie constitue un
élément central de cette stratégie. Singapour dispose de quatre installations
de valorisation énergétique des déchets (VED) qui traitent collectivement
environ 8 000 tonnes de déchets par jour. Ces installations, dotées de
technologies de pointe, permettent non seulement de réduire significativement
le volume des déchets, mais aussi de les convertir en électricité, alimentant
ainsi des dizaines de milliers de foyers. Cette approche innovante contribue à
la fois à la gestion durable des déchets et à la production d'énergie
renouvelable, réduisant ainsi la dépendance du pays aux combustibles fossiles.
Le recyclage approfondi est un autre pilier essentiel de la
stratégie singapourienne. En 2022, le pays a atteint un taux de recyclage de 60
%, selon l'Agence nationale de l'environnement de Singapour (2023). Ce succès
est le fruit de politiques de tri à la source efficaces, d'infrastructures de
recyclage bien développées et de campagnes de sensibilisation publiques
régulières. Des programmes spécifiques sont mis en place pour gérer le
recyclage de divers matériaux, tels que le papier, le plastique, le métal et le
verre, contribuant ainsi à la préservation des ressources naturelles et à la
réduction de l'empreinte environnementale (Kaza, Yao, Bhada-Tata, & Van
Woerden, 2018).
L'engagement communautaire est un facteur déterminant de la
réussite du modèle singapourien. Des applications mobiles et des plateformes en
ligne offrent aux citoyens un accès facile à l'information sur les meilleures
pratiques de recyclage et de gestion des déchets. Cette approche participative
renforce la sensibilisation du public et encourage l'adoption de comportements
responsables en matière de gestion des déchets.
Haïti peut s'inspirer des expériences réussies de
valorisation des déchets et des modèles internationaux pour mettre en œuvre une
stratégie de gestion des déchets efficace et durable. Cela nécessite une
approche multisectorielle et collaborative, prenant en compte les spécificités
du contexte haïtien.
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